mercredi 24 décembre 2014

Jérusalem se rapproche de Cuba en suivant l’exemple américain

Dans la lignée des États-Unis, Israël abandonnera probablement sa politique anti-cubaine, mais la route vers une éventuelle reprise des relations bilatérales est encore longue, ont déclaré des responsables israéliens cette semaine.
Les législateurs israéliens ont été surpris d’apprendre la nouvelle de la détente spectaculaire entre Washington et La Havane que le président américain Barack Obama a annoncé la semaine dernière.
Israël et les Etats-Unis sont les deux seuls pays au monde qui ont toujous voté contre la levée de l’embargo américain à l’Assemblée générale des Nations Unies.
Cet embargo dure depuis plus de 50 ans. Des sources à Jérusalem supposent que si l’Amérique abandonne sa politique d’opposition à la levée de l’embargo à l’Assemblée générale, Israël fera la même chose.
« Israël soutient la politique américaine sur Cuba dans les forums internationaux en raison du contexte d’une alliance stratégique entre les deux pays et à cause des votes de Cuba au sujet d’Israël dans ces forums », a expliqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon au Times of Israel lundi.
« A la lumière de ces changements, nous étudions la décision [américaine] et nous sommes en contact avec les Autorités américaines. »
Cuba avait unilatéralement coupé ses liens avec Israël en 1973, non en raison de la guerre du Kippour – comme on le pense souvent à tort – mais parce que le dirigeant du pays, Fidel Castro, avait demandé la présidence du Mouvement des non-alignés cette année-là.
Depuis, les relations entre les deux nations ont connu des hauts et des bas mais sont globalement restées glaciales. En 2010, par exemple, Fidel Castro a comparé le traitement des Palestiniens par Israël à celui des Juifs par les nazis. « Il semblerait que la croix gammée du Führer est la bannière d’Israël aujourd’hui », avait déclaré à l’époque le dirigeant âgé de 83 ans.
Cette année, il a accusé Israël d’avoir commis un « génocide » à Gaza et a qualifié l’opération Bordure protectrice de « nouvelle forme répugnante de fascisme ».
Cependant, en 2010, Fidel Castro, qui a été remplacé au poste de président par son jeune frère Raul quatre années auparavant, a affirmé lors d’une interview accordée au journaliste Jeffrey Goldberg qu’Israël avait « sans aucun doute » le droit d’exister en tant qu’Etat juif.
Lorsque Goldberg lui a demandé si La Havane pourrait envisager de reprendre ses relations diplomatiques, l’aîné des frères Castro a répondu que ces choses prenaient du temps, mais il n’a pas rejeté catégoriquement cette idée.
Actuellement, le Canada représente les intérêts d’Israël à La Havane, y compris pour aider la communauté juive dans le pays.
Malgré l’absence de relations diplomatiques officielles, les Israéliens font des affaires à Cuba – l’agent du Mossad et l’ancien député Rafi Eitan, par exemple, a créé plusieurs grandes entreprises agricoles et de construction là-bas – et y partent régulièrement en voyage. Depuis 2003, les Juifs cubains viennent aussi régulièrement à Israël.
Dimanche soir, les cadres supérieurs du ministère des Affaires étrangères ont discuté de l’ouverture entre Washington et La Havane. « Nous sommes au début d’un long processus. Nous avons encore besoin de comprendre exactement ce qui se passe aux Etats-Unis », indique un responsable israélien bien placé, qui a accepté de parler sous condition d’anonymat parce qu’il n’était pas autorisé à discuter de la question avec la presse.
Ce n’était pas un secret qu’Obama cherchait à détendre les relations avec Cuba, mais personne à Jérusalem ne pensait que cela se produirait aussi rapidement, a expliqué le haut fonctionnaire. Il ajoute que le gouvernement a maintenant besoin d’un peu de temps pour comprendre la nouvelle situation et ses implications.
Il y a plusieurs processus politiques internes aux Etats-Unis qui sont mis en œuvre actuellement, a expliqué le responsable. La Maison Blanche a annoncé ses plans pour établir une ambassade à La Havane, mais sans le consentement du Sénat contrôlé par les Républicains, cela pourrait s’avérer difficile.
C’est le Congrès qui confirme chaque nomination des ambassadeurs et l’octroi des fonds pour transformer cet intérêt de l’administration américaine en une ambassade, a expliqué le fonctionnaire.
« Le Sénat s’oppose à cette décision, et cela se retourne contre Obama. Après les élections de mi-mandat, il n’est pas sûr qu’il réussira à mettre en œuvre ce projet » de réhabiliter totalement les relations diplomatiques avec Cuba.
Mais si les Etats-Unis abandonnent leur vote traditionnel pour s’opposer à la levée de l’embargo de Cuba, il n’y a aucune raison pour qu’Israël ne suive pas l’exemple américain. « Notre vote sur cette question n’a jamais été en relation avec notre intérêt de faire respecter l’embargo » a expliqué le fonctionnaire. « Nous l’avons juste fait pour les Etats-Unis. »
Un autre haut fonctionnaire a confirmé cette explication : « Ce n’est pas Cuba le problème, nous l’avons fait pour les Etats-Unis. »
En 1992, le ministre adjoint des Affaires étrangères de l’époque, Yossi Beilin, avait demandé au ministère des Affaires étrangères de réexaminer la politique d’Israël pour le vote en faveur de l’embargo.
« Je leur ai dit que l’embargo était ridicule, d’autant plus que les Etats-Unis avaient reconnu la Chine et lui a permis de remplacer Taiwan en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. Après tout, la Chine n’est pas plus libérale que Cuba et son bilan en matière des droits de l’Homme est pire », se remémore Beilin cette semaine dans un article pour i24news.
« Il n’y a aucune logique derrière le vote israélien contre Cuba ! Personne dans cette pièce ne peut me contredire, et tout le monde s’accordait à dire que cela était une mesure stupide qui n’avait aucune autre explication que de vouloir faire plaisir aux Etats-Unis, qui n’avaient pas abandonné l’embargo. »
Beilin a posé cette question au gouvernement du pays et a reçu une réponse, qui, admet-il, était convaincante : « Nous recevons tant des États-Unis et tout ce qu’ils attendent de nous, c’est que nous les soutenions à l’ONU sur Cuba. Si c’est le prix diplomatique que nous devons payer, cela n’a aucun sens pour nous de nous lever et d’annoncer que son seul allié sur la question est soudainement passé dans l’autre camp. »
Maintenant que Barack Obama a décidé de changer une « politique ridicule et pathétique », Israël arrêtera de voter contre une résolution qu’elle soutient en réalité, affirme Beilin.
Remerciant le président d’avoir libéré Israël de devoir « voter stupidement à l’ONU dans le but de ne pas irriter Washington », Beilin a déploré le fait qu’Obama n’ait pas reconnu le soutien solitaire de longue date d’Israël à la position américaine à l’ONU. « Il est vrai que les États-Unis font la même chose pour nous, mais nous, nous nous
en rappelons. »
Dans les premières années après la révolution socialiste de Cuba en 1959, les relations bilatérales étaient – en réalité – assez amicales. En 1961, pour la première fois dans l’Histoire, une mission diplomatique israélienne permanente a été ouverte à La Havane, selon la professeur de l’Université hébraïque de Jérusalem Margalit Bejarano.
« Les dirigeants cubains, dont certains ont reçu leurs premières leçons de communisme de leurs amis juifs, admiraient l’esprit pionnier d’Israël et considéraient le kibboutz comme étant un modèle à suivre », a-t-elle écrit dans Haaretz vendredi.

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